La Cour de cassation explicite sa position sur le paiement des heures supplémentaires : il est toujours dû si ces heures étaient nécessaires à la réalisation des tâches confiées. Cette règle s’applique même si l’employeur a demandé au salarié de s’en tenir à 35 heures ou qu’il a mis en place une procédure d’autorisation préalable.
18/12/2018 Social Pratique, n°735
Le résumé des affaires
Dans deux affaires jugées le même jour par la Cour de cassation, des salariés demandent le paiement d’heures supplémentaires alors que l’employeur s’était clairement opposé à leur accomplissement. Cette interdiction avait même été formalisée par écrit. Dans la première affaire [nº 17-16.959], la cour d’appel comme la Cour de cassation donnent raison au salarié : la charge de travail qui avait donné lieu au paiement d’heures supplémentaires auparavant s’étant maintenue voire accrue, les nouvelles heures supplémentaires étaient donc nécessaires. En revanche, dans la seconde affaire [nº 17-20.659], le salarié n’obtient pas gain de cause devant la cour d’appel. Celle-ci voit toutefois sa décision annulée par la Cour de cassation qui lui reproche de ne pas avoir recherché si les heures accomplies n’avaient pas été nécessaires au tâches confiées.
La solution des juges
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
Les heures supplémentaires nécessaires à la réalisation du travail doivent être payées…
Les heures supplémentaires sont celles effectuées au-delà de la durée légale du travail, soit 35 heures par semaine, ou 1 607 heures par an. L’employeur peut librement demander aux salariés d’en effectuer. Le salarié qui refuse peut être sanctionné [Cass. soc., 26 nov. 2003, nº 01-43.140]. À l’inverse, l’employeur peut décider de limiter strictement la durée du travail des salariés à 35 heures. Si dans certains métiers, cette limite est facilement contrôlable, ce n’est pas toujours le cas. Que se passe-t-il si le salarié allonge ses horaires pour finir les tâches demandées ?
A noter
Le refus d’effectuer des heures supplémentaires constitue une faute qui peut même, en fonction des circonstances, être qualifiée de faute grave justifiant un licenciement [Cass. soc., 26 nov. 2003, nº 01-43.140]. Le refus est toutefois jugé légitime si le délai de prévenance a été trop court [Cass. soc., 20 mai 1997, nº 94-43.653] ou que l’employeur n’a pas rémunéré les heures supplémentaires précédemment effectuées [Cass. soc., 7 déc. 1999, nº 97-42.878].
La Cour de cassation juge depuis longtemps que doivent être payées les heures supplémentaires qui sont soit imposées par la nature ou la quantité du travail demandé soit effectuées à la demande de l’employeur ou avec son accord implicite [Cass. soc., 19 avr. 2000, nº 98-41.0714]. En l’occurrence, si la quantité de travail imposait la réalisation d’heures supplémentaires, l’employeur avait clairement interdit au salarié d’en effectuer. L’employeur devait-il donc payer ces heures ? Oui, explique la Cour de cassation.
Elle distingue deux cas dans lesquels les heures supplémentaires doivent être rémunérées par l’employeur :
– elles ont été accomplies avec l’accord de l’employeur. L’accord peut être explicite ou implicite ;
– ou la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui ont été confiées au salarié.
Ces conditions ne se cumulent pas.
…même si l’employeur s’est opposé à leur réalisation
Dans nos deux affaires, les employeurs s’étaient opposés à l’accomplissement d’heures supplémentaires. Cet élément n’est pourtant pas pris en compte par la Cour de cassation. Dès lors que les tâches confiées au salarié nécessitaient la réalisation d’heures supplémentaires, elles devaient lui être payées.
L’employeur plutôt que d’interdire au salarié de travailler au-delà de 35 heures aurait dû contrôler et limiter sa charge de travail.
REMARQUE
La preuve que la charge de travail nécessite ou pas la réalisation d’heures supplémentaires n’est pas évidente à rapporter. Dans notre première affaire, le salarié a toutefois réussi. Il avait dans un premier temps bénéficié du paiement d’heures supplémentaires, puis en avait été privé à la suite d’un changement d’employeur. Ce nouvel employeur exigeait que le salarié travaille 35 heures par semaine, alors même que sa charge de travail n’avait pas diminué, voire s’était accrue. En payant dans un premier temps les heures supplémentaires, l’employeur avait admis que les tâches confiées au salarié nécessitaient la réalisation de ces heures. Il ne pouvait pas ensuite refuser leur paiement sans diminuer concomitamment les tâches confiées.
[Cass. soc., 14 nov. 2018, nº 17-20.659 Cass. soc., 14 nov. 2018, nº 17-16.959]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire